Les cinq Elmore Leonard à lire ou à relire (2024)

Mort le 20 août, à Détroit, à l'âge de 87 ans, Elmore Leonard laisse derrière lui des dizaines et des dizaines de polars. Un maquis dans lequel il est parfois difficile de trouver son chemin, d'autant que les traductions françaises ont longtemps été éparpillées chez divers éditeurs -Presses de la Cité, Série Noire, Rivages...- et ont changé de titres au gré des rééditions. Voici cinq incontournables, illustrations parfaites des Dix règles d'écriture (Rivages hors commerce) édictées par le maître (tout auteur digne de ce nom devrait méditer cet art poétique débridé, qui débute par ce conseil de bon sens : "Ne commencez jamais un livre en parlant de la météo"...).

Maximum Bob

Pas de considérations météorologiques, donc, au début de ce roman à la violence froide, où Leonard est au meilleur de sa forme (la période 1980-1995 peut être considérée comme son âge d'or. Le 24 janvier 1977, à 9h30, le romancier avait renoncé définitivement à l'alcool...). Maximum Elmore y met en scène le juge Gibbs, qui colle toujours les peines les plus lourdes à tous les petit* truands de Miami. Un alligator, les habituels ploucs psychopathes et une auxiliaire de justice sexy complètent le casting. Comme toujours chez "Dutch" Leonard, tout est dans les dialogues : "J'aime bien qu'on parle beaucoup dans un livre et j'aime pas trop que quelqu'un vienne me dire à quoi ressemble le gars qui parle. Je veux pouvoir me le représenter d'après sa façon de causer". Et il ajoutait (règle d'écriture numéro 3): "N'utilisez jamais un autre verbe que "dire" pour accompagner les dialogues".

Beyrouth-Miami

Le chef d'oeuvre de son "cycle de Miami", avec son jumeau Pronto (Rivages), où le poète fasciste Ezra Pound fait une apparition en guest star. Tout son petit monde est là: le bookmaker véreux, le latino en chemise hawaïenne, Raylan, le flic justicier (scène récurrente chez Leonard, inspirée des westerns qu'il écrivit dans les sixties: le duel dans la rue centrale de la ville), le tueur dingue (ici armé d'un sécateur, pour varier un peu les plaisirs...), la femme fatale... Quand de minables malfrats veulent imiter les chiites libanais sous les palmiers de Floride, le résultat est détonant et les piscines se remplissent de cadavres. Beyrouth-Miami illustre bien la mécanique "leonardienne": une poignée de destins borderline finissent par se télescoper "joyeusem*nt". Comme toujours chez les grands auteurs, tout semble facile. "Je veux rester invisible dans mes livres", professait l'auteur de Punch créole (devenu Jackie Brown au cinéma).

La Loi de la cité

Peut-être le meilleur roman du "cycle de Détroit", cette ville où Elmore Léonard a vécu et travaillé dans la publicité (est-ce là qu'il a rodé son sens de la formule?), avant de se lancer dans l'écriture. Avec le "Dickens de Détroit", comme on l'a parfois surnommé, Motor City se mue en Murder City. La Loi de la cité revisite une nouvelle fois les limites poreuses entre le crime et la loi. D'un côté, un jeune chien fou homicide et tatoué, répétant inlassablement "Ah ouais?" aux questions des policiers; de l'autre, un sergent intraitable. Et, entre les deux, pour mettre un peu d'ambiance, une bande d'Albanais ivres de vengeance. Les dialogues sont souvent crus, parfois vulgaires, justes toujours. Leonard connaissait bien ses lecteurs: "Je parie que vous ne sautez pas les dialogues", leur lançait-il...

Monsieur Majestik

Plus qu'une curiosité, ce polar atypique -il se déroule dans des plantations de melons en Arizona- fait partie des bons Leonard publiés par la Série Noire (citons aussi La joyeuse kidnappée). Mettant en scène (outre un ancien du Vietnam et des mafiosos prompts à dégainer leur Remington) un groupe d'ouvriers chicanos, il annonce tous les personnages "ethniques" -cubains, latinos, noirs...-, qui peupleront ses romans les plus célèbres. Son écriture est déjà en place, obéissant à une règle (la numéro 10) qui semble plus simple qu'elle n'est en réalité: "Essayez de supprimer les passages que le lecteur a tendance à sauter". Combien de romanciers appliquent-ils vraiment ce précepte?

La Brava

Encore Miami, encore des bookmakers, encore des Cubains (en slip léopard, cette fois), encore des hôtels miteux, encore un enquêteur intraitable et toujours cette impression de fluidité dans le récit, qui semble avancer tout seul, mais de manière imprévisible. Règle numéro 6 selon Elmore: "N'utilisez jamais de tournures telles que "soudain" ou "l'enfer se déchaîna", "ni plus de trois points d'exclamation par tranche de 100 000 mots". La Brava illustre à merveille la plus fondamentale des règles d'écriture du maître de Détroit: "Si ça a l'air écrit, je réécris". Faire une littérature qui n'a pas l'air "écrite" du tout (à l'instar d'un Simenon, chez nous, dans un autre genre), voilà sans doute l'élégance suprême selon Elmore Léonard.

Les cinq Elmore Leonard à lire ou à relire (2024)

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